Zénith de Saint-Etienne

SAINT-ETIENNE
FRANCE

ZÉNITH

2004 / CONCOURS

9069 M²
20 000 000 € ht

Les lieux qui accueillent les concerts et les spectacles populaires ne sont plus programmés qu’à la périphérie des villes. Les spectacles qu’on y donne sont le plus souvent sur la scène, quelques fois aux abords, mais jamais sur leurs murs. Rarement, l’architecture qu’on leur concède n’a la liberté des musiques qui s’expriment.
Pour tous les amateurs de spectacles vivants le regard ne s’exerce que sur l’artiste, passant l’architecture du Zénith dans le noir. Avec le spectacle, nous touchons aux choses éphémères et, naïvement, nous voudrions les accompagner. Qui ne rêverait d’inventer une salle, à chaque fois qu’un concert a lieu ? Qui ne rêverait de l’effacer aussitôt le spectacle terminé et de la reconstruire à chaque fois que le spectacle revient ? Et jamais pareil ?
La musique est autonome. Elle est une création qui se dégage de toute attache au sol. Le poids des mots et l’intensité des sons qui la structurent, ne pèsent rien dans l’univers de l’art solide et lourd dans lequel évoluent les architectes. Ils voudraient échapper à la gravité, bondir plutôt que marcher, suspendre plutôt que poser et emmener avec eux une architecture qui n’aurait plus de poids. Ils n’en dessinent que l’illusion.
Et le spectacle aidant, celle-ci devient parfaite.
Mais la réalité est toute autre. Elle est technique et économique. Et l’effort à faire reste minimum. Toute gesticulation esthétique excessive lui serait fatale. Elle affaiblirait sa destination, dès lors qu’il se présente comme un outil à fabriquer des spectacles plutôt que comme une oeuvre autonome. Un Zénith est un territoire en mouvement qui met en scène toutes sortes de manifestations et de spectacles qui contribuent, par leur densité ou par leur fluidité, à sa vivacité.
La plupart du temps, nous ne rencontrons que des boîtes à spectacles dont les proportions sont insipides.
Elles restent plantées dans des champs de bitume, montrant qu’elles sont nées de la difficulté même à exister. Leur horizontalité les classe davantage dans le champ vite fait du supermarché que dans le registre durable du palais.
Le Zénith de Saint Etienne est un territoire qui met en scène, à la façon d’un René Magritte, quand il peint la bataille de l’Argonne, en 1958, la rencontre imminente d’une matérialité qui aurait soudainement perdu le sens de la gravité(le rocher) et d’une immatérialité fidèle à l’apparence qu’on lui concède (le nuage). Le Zénith de Saint Etienne, pareil à cette oeuvre toute empreinte des interprétations opérées par l’artiste dans l’ordre de la lecture ordinaire, bouleverse les relations logiques de la pesanteur et de sa représentation, pour ébranler l’esprit d’ancrage, inscrit durablement au cœur des architectures volumineuses et encombrantes. Une lecture qui échappe à l’ordre même des lois de la physique.
Dans la bataille de l’Argonne, le nuage approche le rocher et s’inscrit normalement dans un territoire (le ciel) qui appartient davantage à son univers qu’à celui du rocher. Dans le Zénith de Saint Etienne, le nuage a embrassé le rocher. Des câbles le retiennent au sol, comme dans la capture de Gulliver, au matin de son naufrage. Ils l’empêchent de s’élever dans le ciel. C’est cette sensation ou ce sentiment d’apesanteur qui construisent la poésie de l’objet et du site. La pesanteur est évoquée et non ses lois. Cela vous force à vous demander : Pourquoi le Zénith s’envolerait-il ?



Architectes : Francis Soler